169- Retour vers le 005 (19JUIL25 1/1)!
Revisiter un vieux texte, c’est comme retrouver un coffre poussiéreux au grenier et retomber sur son journal intime. Je préfère vous prévenir : dès que vous soulevez le couvercle, on se retrouve face à une abomination digne du Necronomicon, ce grimoire maudit imaginé par H. P. Lovecraft. Le manuscrit reflète mes litanies intérieures ; rassurez‑vous, ce n’est pas tout à fait un épisode de Tales from the Crypt (série télé des années 90), mais il flotte quand même une odeur de caveau que même Febreze n’oserait affronter. Quoi qu’il en soit, chaque fois que je vous livre une version remastérisée de ces vieilleries, je vous le répète : mes yeux se mettent à saigner comme ces statues de la Vierge qui versent des larmes d’hémoglobine.
Bonne nouvelle : nous ne feuilletons pas ici le grimoire maudit d’Evil Dead, seulement mes vieilles litanies intérieures que je distillerai en un breuvage plus digeste sans trahir leur goût d’origine. Après tout, quel intérêt de laisser moisir mes antiquités littéraires sur le blog si c’est pour les momifier ? Comme toujours, je vous embarque pour une visite improvisée des bureaux administratifs de Sous la couverture d’un intello qui aime les rondes. L’objectif : vous révéler la petite usine à mots, du premier gribouillis jusqu’au texte fin prêt à affronter la backlight de votre téléphone.
Il fut un temps où chaque étape de la création d'un texte, se déroulait dans un garage encombré, parfumé de cambouis et de café brûlé. À présent, j’ai migré dans une tour du centre‑ville et je m’entoure carrément d’une équipe de rédaction au grand complet. Si vous avez manqué les premiers couloirs, passez par les salles 146, 151, 155 et 165 pour rattraper le groupe. Sinon, suivez‑moi tout de suite vers le bureau 169 : la salle de révision, où chaque virgule passe au détecteur de mensonges.
L’ascenseur s’ébranla lentement, ses parois miroitantes renvoyant des visages tendus. Les chuchotements se poursuivaient, étouffés mais insistants, comme si le simple fait de prononcer le nom de Réjean‑Loup suffisait à réveiller des désirs grivois.
— Bureau 169, annonçai‑je à voix basse.
Le bureau de la révision. Là où les mots cessent d’être des élans du cœur pour devenir des caractères bien précis. Les regards se croisèrent. Finis les élans poétiques et les tournures libres. Ici, chaque virgule allait être scrutée comme un aveu, chaque mot pesé comme s’il portait un secret.
— On m’a dit qu’on y entend parfois les soupirs des phrases trop retouchées, souffla l’une des femmes du groupe, un sourire en coin.
— Ce n’est pas tout à fait faux. À vrai dire, j’ai à peu près toute la latitude de faire exploser cette retenue avec le produit fini.
Le ding de l’ascenseur résonna comme un glas feutré. Les portes s’ouvrirent sur un couloir silencieux, tapissé des couvertures des textes les plus prisés, fixées au mur comme des trophées ou des preuves. Une lumière pâle filtrait par les vitrages dépolis du bureau 169.
— Vous entrez avec moi ? Ou vous préférez rester dans ce silence tonitruant encore quelques instants ?
Des signes de tête approbateurs me répondirent. Sur le mur, à côté de l’ouverture d'une porte, un écriteau arborait : BUREAU 169 — Madame Diane Vautrin, responsable de la révision et de la conformité stylistique. Sous le titre, en plus petit, un avertissement discret, à l’exemple du bureau de Réjean‑Loup : « Ici, les mots portent un corset. » Je frappe doucement à la porte, la poussant jusqu’à la faire grincer. L’odeur du papier corrigé et de l’encre séchée nous enveloppa aussitôt.
— C’est nous, Madame Vautrin, moi et vos visiteurs bien dociles.
Le bureau s’ouvrait sur une pièce longue et haute de plafond, lambrissée de noyer sombre. Le mobilier était d’une rigueur presque monastique : une immense table de travail, luisante comme une lame neuve, des chaises droites garnies de cuir noir, le tout éclairé par une unique verrière filtrant une clarté froide. Aux murs, des planches‑contact géantes où chaque tournure de phrase demandant éclaircissement était cerclée de rouge, punaisées comme des pièces à conviction.
Madame Vautrin se tenait derrière la table, immobile telle une statue de cire : tailleur graphite taillé au cordeau, col haut fermé par une chaîne à anneaux métalliques qui évoquait à la fois la joaillerie fine et un accessoire de contrainte. Ses cheveux étaient tirés en un chignon lisse. Seul un léger trait de rouge à lèvres — plus bordeaux que coquelicot — tranchait dans cette palette d’ardoise. Dans sa main droite, un fin ouvre‑lettres doré, qu’elle maniait comme d’autres manient une badine (canne ou fouet… c’est selon son utilisation).
Diane avait cette prestance naturelle des femmes qui n’ont jamais besoin de hausser la voix pour faire taire une pièce. Elle était grande — sans excès, mais avec ce port de tête qui donne l’illusion qu’elle domine les lieux même en silence. Silhouette élancée, presque rectiligne, elle avançait comme on trace une ligne droite dans une page trop sinueuse : chaque pas résonnait comme un point final. Ses mains, fines, aux ongles courts, étaient laquées d’un vernis presque noir — un violet si foncé qu’il en devenait ténébreux. Quand elle manipulait un stylo, un poinçon ou… son coupe‑papier, on aurait dit une cheffe d’orchestre sadique, régnant sur une symphonie grammaticale.
Tout en elle évoquait l’image d’une maîtresse de la rigueur, presque caricaturale dans sa posture : autoritaire, intransigeante, froide comme une lettre de rejet d'embauche. Et pourtant — une faille perceptible : au coin des lèvres, parfois, une infime courbe menaçait de faire éclater le masque. Une tendresse contenue dans la raideur. Le soupçon d’un jeu.
— Madame Vautrin ? On m’a dit que rien ne vous échappait.
— Ici, Monsieur, répond-elle sans lever les yeux, tout soupçon est mis à nu. Approchez vos pages de texte, que je m’y affaire.
— À nu, dis-je… c’est un mot qui revient souvent aujourd’hui.
— Les mots, dit-elle en relevant enfin son regard d’acier bleuté, ils doivent se tenir droits. Je les habille, puis je les dépouille.
Elle effleure mon manuscrit, sur lequel Réjean-Loup et Anaïs ont déjà glissé leurs impressions ; son coupe-papier claque sèchement sur le bois. Un duo d’auteurs, cravates défaites, entre dans la pièce en trébuchant de trac.
— Nous venions pour la re-re-relecture, madame, dit le premier homme.
— Trois « re » ? Pathétique. Posez vos chapitres, redressez-vous, ordonne Diane.
— On raconte que vous… donnez… des… hum…, bafouille le deuxième visiteur.
— …que je redonne du nerf aux phrases plates ? Vrai. Maintenant, silence : vos virgules se confessent.
Diane décoche une rafale de phrases à reprendre, rapide comme un claquement de fouet ; les auteurs repartent, les joues rouges de honte mais les pages nettes.
— Vous voyez, très chère visiteurs et visiteuses. Ma collaboration à l’écriture des textes que vous lisez est aussi nécessaire qu’un collier à un soumis : sans lui, tout s’effondre dans le chaos et l’insignifiance.
— Vous y allez un peu fort, très chère Madame Vautrin ! Vos apports sont certes… très importants.
Elle prend par surprise tout le groupe en tapant la surface de la table d’ébène.
— Narratologie. J’y emprunte des arcs narratifs qu’on me livre trop mous ; je les retends. Terminologie. Je n’accepte que des mots choisis. En retour, j’accorde le rythme… si vous le méritez. Nous ne parlons pas. Nous pratiquons l’art de la soumission syntaxique. Iconographie. Je vérifie que chaque légende se plie à la grammaire comme un genou au plancher.
Elle ponctue chaque mention d’un discret « clac » du coupe-papier sur la table. Diane retire lentement une paire de gants noirs rangée sous le pupitre. Sa voix se fait satinée.
— Pour que vous reteniez la leçon : un échantillon de discipline textuelle…
Elle me fait signe d’aligner mon manuscrit sur la table. Puis, d’un pas calculé, elle fait le tour, effleurant les pages du bout du coupe-papier ; chaque correction tombe comme une injonction.
— Majuscule. Tiret cadratin. Coupez. Respirez.
Le ton est impérial, presque liturgique. Chaque ordre, ciselé dans le marbre, martèle le groupe comme une sentence. Elle se place derrière moi, et fixe l’homme qu’elle a choisi de briser. Le coupe-papier effleure sa langue, y cueille un souffle vénéneux, puis descend lentement vers la gorge nue de sa proie. La lame y danse un instant — la promesse muette d’une grâce refusée. La pomme d’Adam du visiteur tétanisé tressaille. Un soupir étouffé. Et puis, d’un geste sec, elle plante le coupe-papier debout entre deux doigts de ma main, en plein centre de la table.
Elle s’arrête, colle la paume sur la dernière page, et tout à coup — sourire éclatant, épaules qui se détendent — elle éclate d’un rire clair.
— Et voilà ! Mon numéro est terminé. En vérité, je suis affamée de bons mots et de bons cafés. Qui m’accompagne à la machine ? J’apporte toujours des biscuits Village !
Sa voix a perdu toute dureté ; ses yeux rient. Elle glisse le coupe-papier dans un étui pastel bien trop mignon pour l’image qu’elle vient d’afficher. En quittant le bureau 169, le groupe de visiteurs flotte sur l’étrange sensation d’avoir été jugé… et dompté. Les couloirs semblent soudain moins austères ; peut-être qu’ici, le jeu de rôles est là pour rappeler que la langue, même en corset, peut encore danser avec grâce.
L’homme choisi pour ce numéro s’attarde un instant dans le couloir, un sourire en coin, le regard encore phosphorescent d’admiration mêlée d’émerveillement.
— Je ne pensais pas qu’on pouvait manier la discipline avec autant de velours… et de poigne. Madame Vautrin ne s’est pas contentée de corriger ; elle m’a littéralement ensorcelé. D’aplomb. J’ai eu le feeling d’être à la fois le coupable et le héros de son numéro.
— Allons donc ! Tu louangerais moins fort si elle avait dégainé un martinet, réplique un homme du groupe.
Des petits rires s’élèvent.
— C’est rare de voir quelqu’un dompter à la fois les mots et les hommes avec une telle élégance… et quel charme, en prime ! Je plaide coupable : je suis conquis.
Les rires se font plus moqueurs, l’homme ayant dévoilé son petit fantasme.
— T’as vu le regard qu’elle t’a lancé ? On aurait dit qu’elle lisait tes pensées avant de te casser, observe une voix féminine forcément amusée.
— Ah oui, dis-je. Depuis qu’elle est parmi nous, Diane démontre qu’elle maîtrise l’art de la mise en scène. Ce n’est pas une simple correction de texte ; c’est une leçon d’autorité… et de séduction… sans conteste.
— Définitivement, elle sait faire grimper la tension comme personne ! proclame un autre homme, visiblement touché.
Deux femmes discutent plus fort qu’elles ne le devraient, tout près de moi :
— Il faudrait trouver notre Diane à nous, pour mon boulot. Ça changerait de nos réunions habituelles.
— Pis ne pas oublier d’érotiser… et d’apprendre à manier le coupe-papier comme elle !
— Et si on lui demandait une masterclass ? Je suis certaine qu’elle a encore une réserve de tours en coulisses.
— Oh que oui ! Entre discipline et charme, elle fait des miracles… Ça m’inspire déjà quelques idées que je vais avoir de la misère à faire autoriser par le CA.
— Doucement, les enthousiastes ! objectai-je en levant les mains. Je vous rappelle que c’était un coup monté. Dans la vie, Diane est bien plus sage. Ne lui soufflez pas trop fort que vous l’avez adorée ; sinon, elle risque de devenir dominatrice à plein temps… huhu ! Allez, on poursuit la visite, si vous le voulez bien.
Hihihi ! J’espère que vous avez savouré le détour par le bureau 169. Croyez-moi, j’ai tout fait pour éviter les clichés trop évidents autour de Diane Vautrin. La révision, voyez-vous, consiste à relire mon texte trois fois — minimum ! — pour arracher des pans entiers, dégoter des synonymes et maquiller chaque phrase pour adopter des tournures qui me ressemblent vraiment. Maintenant que j’en suis là, j’apporte fièrement mon texte no 5 à Diane ; elle plisse les yeux, mi-chatte mi-démon :
— Tu oses venir faire charcuter ce texte tout dur ? Dit madame Vautrin. Hmm ! J’adore ça. Et ne crois pas qu’un titre de président te sauvera ; mon stylo-griffes n’épargne personne. Prépare-toi à supplier pour un complément d’objet direct bien placé avant le verbe !
005 — Dérooooooooule le rebord pour rencontrer (07DEC22 1/1) !
Bon, laissez‑moi rêver un brin à cette fameuse rencontre avec une chère correspondante. Quoi, c’est défendu ? Rappelons que j’ai dévoré plus d’un Harlequin jadis (et je les ai toujours trouvés délicieusement kitsch, haha !). Passage obligé du pré‑ado en plein éveil, mettons.
Mais ne vous attendez pas à une histoire avec une chirurgienne de renommée mondiale ni avec un milliardaire tourmenté voguant sur son yacht vers une île de carte postale. Ici, on reste 100 % terroir canadien. Nos deux protagonistes de l’histoire rêvée se donnent plutôt rendez‑vous dans LE spot de rencontre par excellence : un petit café — ou, comprenez, un bon vieux Tim Hortons — avec l’odeur de beignes tout frais et le café filtre qui fume dans les gobelets en carton ciré.
Ouin, dans mon histoire, c’est sûr que je serai le premier arrivé là‑bas, pour mon rendez-vous avec les feelings. Je t’attendrai, zen, en décortiquant les valeurs nutritives des beignes imprimées sur le napperon au fond de mon cabaret — histoire de justifier d’avance le deuxième. Bien calé à une table, tout près du faux foyer, je te vois entrer, nimbée d’une auréole dorée (pas sûr que ce soit un signe de sainteté, mais, tsé, on assume nos petits vices). Oh boy ! Mes yeux te déshabillent illico, et je parie que tes joues rougissent en comprenant que c’est toi l’objet de toutes mes envies.
À peine as‑tu quitté le comptoir de commande, tu me rejoins, tes tentations dégoulinant de miel… ouf ! Et quelle coïncidence : toi aussi, tu as choisi une roussette au miel pour m’accompagner, la fameuse roue de tracteur. On se donne la bise d’usage, puis on entrechoque nos roussettes comme deux coupes de champagne, scellant ainsi une nouvelle complicité sucrée. En jasant, on déroule nos anecdotes, nos désirs, nos envies et ces attentes un peu bouillantes qui font pétiller les regards. Je lève alors mon gobelet, avale une longue lampée de café brûlant sans te quitter des yeux ; je suis déjà galvanisé par le sucre de nos beignes.
Dès que mon verre touche la table, quelle n’est pas ma surprise de sentir tes doigts se glisser entre les miens… M‑Y G‑O‑D ! Tu parais tout aussi étonnée de voir à quel point ce simple frôlement me fait perdre la tête. Sans attendre, j’amène mon autre main pour effleurer ton poignet joliment dodu, malgré la rugosité de mes doigts tannés par un boulot manuel. Qu’importe si ma peau te semble rêche ; le geste, comme l’instant, déborde de sensations trop longtemps mises en veille par nos vies trépidantes !
Tes joues s’empourprent aussitôt, couleur beigne fraise‑vanille, et ta seconde main rejoint le manège… huuuuum ! « Séduit, je le suis », te dis‑tu peut‑être (j’avoue : écrire ces lignes est presque aussi intense que de vivre le fantasme). Crois‑tu vraiment que nos jambes restent sages sous la table ? Hihihi, absolument pas !
Quand la tension devient insoutenable, j’approche mon visage, avide du baiser tant rêvé. À ma grande joie, tu fais de même, la tête légèrement inclinée… wow ! Les paupières mi‑closes, je plonge un regard discret mais franc dans ton décolleté. Tu resserres les épaules, affiches ton plus radieux sourire aguichant et laisses tomber, d’une voix rieuse : « Cochon ! » C'est ici q je lance la question ultime :
— Toi, dame ronde que j’admire, veux‑tu être mon amie jusqu’à ce que la vie nous sépare ?
— Oui, je le veux ! réponds‑tu.
Sans tarder, je glisse une roussette au miel à ton doigt… que je dévore goulûment (le beigne, pas le doigt). Hahaha !
Pour conclure, croyez‑moi : dans ces temps lointains, la lecture avait encore de beaux jours devant elle. Les sites de petites annonces de chaaaarme n’imposaient pour ainsi dire aucune limite de caractères ; ils exigeaient seulement un petit minimum de mots, question de principe. Ainsi, vous venez de parcourir ma propre annonce, concoctée pour scotcher l’attention d’une âme XXL un tantinet esseulée. À l’origine, mon texte était bien moins étoffé ; je l’ai batisfolé juste assez pour qu’il soit présentable sur le blogue.
Aujourd’hui, avouons‑le, c’est l’image qui fait vendre. Le côté genre masculin ne prend plus le temps de lire, tandis que, chez les femmes, l’art de bien écrire fait toujours son petit bonhomme de chemin. C’est donc la piste que j’ai choisie pour me distinguer au milieu du raz‑de‑marée d’hommes en quête de sensations et pêcher celle qui me fait vibrer.. sans m'obliger à exposer ma prise que je tiens oar les branchies.. hihihi !
Un énorme merci d’être passé par ici !
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